2017 est une grande année électorale en Europe. Les succès électoraux des partis populistes pourraient miner la coopération européenne et menacer les futures réformes économiques.
Résumé
- 2017 est une grande année électorale en Europe. Après les élections aux Pays-Bas au mois de Mars, les électeurs français, allemands, et peut-être italiens, devront à leur tour se rendre aux urnes. Dans ces quatre pays, les partis populistes ont une chance de remporter les élections.
- Les succès électoraux des partis populistes pourraient miner la coopération européenne et menacer les futures réformes économiques.
- L’Italie semble être la plus vulnérable à l'incertitude politique croissante, compte tenu de ses moins bonnes performances économiques et de la généralisation de l'euroscepticisme.
Année électorale en Europe
La scène politique européenne pourrait changer radicalement en 2017 avec l'organisation d'élections dans trois (peut-être quatre) grands pays européens. Le 15 Mars, les élections ont fait du PVV de Geert Wilders le deuxième plus grand parti aux Pays-Bas. Les partis populistes se trouveront aussi probablement parmi les vainqueurs des prochaines élections présidentielles en France en Avril/Mai et des élections fédérales allemandes de Septembre. Un scénario similaire pourrait se produire en Italie, où des élections anticipées sont envisagées depuis que Matteo Renzi a démissionné de son poste de Premier ministre et de président du Parti démocrate.
Les populistes placent les arguments anti-Europe, anti-immigration, en première ligne dans la politique européenne. Même si les dirigeants populistes ne parviennent pas à entrer au gouvernement, leur voix se fera entendre plus clairement dans les parlements nationaux. Ce qui pourrait soulever des craintes à l'égard de l'avenir de l'euro et de l'Union européenne dans les rangs des investisseurs. Des doutes pourraient également naître quant à la capacité des pays souffrant d'une forte fragmentation politique à mettre en oeuvre les réformes nécessaires. Nous allons examiner les situations politiques de ces quatre pays afin d'évaluer la probabilité d'une victoire populiste et d'en déterminer les implications éventuelles dans divers domaines, tels que la participation à l'euro, la lassitude à l'égard des réformes et l'accès au crédit.
Pays-Bas : une classe politique fragmentée
Le Parti libéral (VVD) du Premier ministre Mark Rutte est le grand gagnant des élections du 15 Mars aux Pays-Bas. Le VVD de centre-droite a recueilli 21% des suffrages et demeure le parti majoritaire au parlement. Le Parti pour la liberté de Geert Wilders (PVV), qui a fait campagne sur un programme anti-UE et anti-immigration, est arrivé deuxième aux élections avec 13% des voix. Quatre autres « grands » partis ont recueilli entre 9% et 12% des voix. Du point de vue néerlandais, ce résultat reflète un degré inhabituel de fragmentation politique. Au total, treize partis entreront au parlement.
Étant donné qu'il faut au moins quatre partis pour former une coalition majoritaire, le processus risque d'être long et difficile. Le VVD a entamé les négociations de coalition avec trois autres partis centristes et progressistes. Mais, avec cette fragmentation du centre politique, de nombreuses coalitions sont possibles. Il est dès lors difficile de prédire quelle sera la composition exacte du prochain gouvernement. Nous pouvons écarter une coalition avec le PVV, étant donné que le VVD, mais aussi presque tous les autres partis ont exclu toute collaboration avec Geert Wilders. Geert Wilders a donc vu ses espoirs de référendum sur l’appartenance à l’Union européenne anéantis. Cependant, le PVV a gagné du pouvoir au sein du parlement, ce qui affaiblira la base des grands partis. Il existe par ailleurs des ramifications européennes plus larges. Cela devrait apporter un certain soutien aux partis populistes ailleurs en Europe.
France : l'élection bat son plein
Le prochain test à passer pour le populisme sera l’élection présidentielle en France. Les élections sont organisées en deux tours, le 23 Avril et le 7 Mai. Si aucun candidat n’obtient la majorité absolue au premier tour (scénario le plus probable), un deuxième tour sera organisé entre les deux candidats ayant recueilli le plus de voix. Onze candidats se présentent à l’élection présidentielle de cette année. Trois d’entre eux ont une avance structurelle dans les sondages sur les autres candidats : Marine Le Pen du Front national, François Fillon des Républicains et Emmanuel Macron qui représente son propre mouvement (En Marche). Marine Le Pen est une détractrice de l’UE, du libre-échange et de l’immigration. Ses propositions comprennent une sortie de l’euro, une augmentation des taxes à l’importation, une restriction de l’immigration, une baisse de l’âge de la retraite et une hausse de plusieurs droits sociaux adossée à une baisse de l’impôt sur le revenu. François Fillon est le candidat de droite dont la campagne s’axe sur un programme conservateur d’un point de vue social et de déréglementation. Il était initialement le favori de la campagne électorale, mais il a perdu une part substantielle de ses voix après avoir été accusé de détournement de fonds. Emmanuel Macron semble à présent être le vainqueur le plus probable de ces élections. Il propose un programme favorable aux entreprises et à l'Europe conçu pour séduire tant la gauche que la droite. Le cheval noir de cette course à l’Élysée est le candidat de gauche Jean-Luc Mélenchon, qui semblait n’avoir aucune chance de survivre au premier tour, mais qui a fait une percée remarquable dans les sondages après de belles performances lors des deux débats télévisés et se trouve à présent juste derrière François Fillon dans les sondages.
S’il devait rester dans la course, François Fillon devrait recueillir 20% des voix au premier tour. Emmanuel Macron et Marine Le Pen 25% respectivement, ce qui conduirait à un second tour au mois de Mai pour élire le prochain président. Lors du deuxième tour, Emmanuel Macron devrait recueillir plus de 60% des voix (Graphique 1). Son plus grand point faible est qu’il ne s’est jamais présenté à aucune autre élection auparavant. Notre scénario de base table sur la capacité d’Emmanuel Macron à rassembler suffisamment d’électeurs derrière lui pour devenir président, ce qui voudrait aussi dire qu’un référendum sur l’euro ne serait plus à l’ordre du jour. Mais le chemin vers l’élection présidentielle est semé d’embûches, sachant que le moindre signe de désamour dans les sondages pour Emmanuel Macron déclencherait des incertitudes sur les marchés financiers.
Allemagne : quatrième mandat probable pour Angela Merkel
Les élections fédérales en Allemagne sont prévues pour le 24 Septembre prochain. Le CDU de centre-droite devrait, selon toute probabilité, devenir le parti majoritaire, accordant ainsi un quatrième mandat de Chancelière à Angela Merkel. Cependant, le parti minoritaire de la coalition d'Angela Merkel, le SPD de centre-gauche emmené par Martin Schulz, a fait une percée dans les sondages. Le CDU et le SPD sont actuellement au coude-à-coude, chacun recueillant environ 30% des suffrages. Ces deux partis sont pro-européens et ont un point de vue modéré sur l’immigration. Le parti de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) est le seul parti politique allemand ayant une position nette anti-euro et anti-immigration. Les sondages lui attribuent environ 10% des voix, ce qui signifie qu’il est presque certain d’accéder au parlement. En 2013, il a manqué de peu le seuil électoral de 5%. Cependant, aucun des grands partis ne considèrent l’AfD comme étant un partenaire de coalition fiable. Le scénario le plus probable serait que le prochain gouvernement soit de nouveau une grande coalition entre le CDU et le SPD. Cependant, un gouvernement minoritaire est aussi une option, compte tenu de la réticence du SPD à entrer de nouveau dans une grande coalition comme petit partenaire. Dans tous les cas, l’euro n’est pas menacé en Allemagne, étant donné que le CDU et le SPD y sont favorables.
Italie : possibles élections anticipées en 2017
Les élections en Italie devraient avoir lieu en Mai 2018. Toutefois, vu l’instabilité de la situation politique actuelle, on peut imaginer que le Président Sergio Mattarella organise des élections anticipées en 2017. L’ancien Premier ministre Matteo Renzi espère que des élections anticipées seront organisées pour conserver l’élan de son mandat. 1 Les intentions de vote actuelles prêtent environ 30% au Mouvement 5 étoiles, lui donnant une légère avance sur le Parti démocrate. Il est possible que le M5S devienne le parti le plus important après les élections. Cependant, il est peu probable qu’il obtienne la prime de majorité (les sièges supplémentaires accordés à tout parti ayant recueilli au moins 40% des voix) et il restera donc dans la minorité. Le M5S est connu pour sa position anti-UE et ses appels à plus de contrôle de l’immigration. Néanmoins, contrairement au PVV aux Pays-Bas, au Front national en France et à l’AfD en Allemagne, il est plutôt de gauche que de droite. Le M5S adopte aussi une position plus modérée sur l’immigration que celle des partis populistes. Il appelle en revanche à un référendum sur l’appartenance à la zone euro.
Notre scénario de base est que le gouvernement italien actuel s’en sortira d’une façon ou d’une autre d’ici aux élections prévues en 2018. Après les élections, nous pensons qu’un gouvernement de coalition émergera du Parti démocrate, des partis du centre, et du parti de Silvio Berlusconi, Forza Italia. Autre scénario possible : une coalition minoritaire. Mais celle-ci ne devrait pas non plus intégrer le M5S. Pour forcer la tenue d’un référendum sur l’euro, le Mouvement 5 étoiles devrait s’assurer une majorité des deux tiers au parlement. Ce qu’il pourrait obtenir s’il reçoit le soutien d’autres partis eurosceptiques, tels que Forza Italia, la Ligue du Nord d’extrême droite et le parti national-conservateur Frères d’Italie. Les différences idéologiques entre ces partis sont considérables, mais un scénario dans lequel ils collaboreraient pour forcer un référendum sur l’euro ne peut pas être complètement exclu.
Thèmes communs aux diverses élections européennes
Le fil rouge de ces campagnes électorales est la coopération européenne et l’immigration. Les partis populistes ont placé ces thèmes au coeur de leur campagne électorale.
Coopération européenne
La rhétorique anti-UE joue un rôle important dans les campagnes des partis populistes. Ils profitent d'un sentiment critique généralisé à l’égard de l’UE. Aux Pays-Bas et en Allemagne, la vaste majorité des électeurs s’opposerait à une sortie de l’euro et de l’UE. Cependant, des préoccupations se font entendre quant au fonctionnement de l’UE, qu’il s’agisse de la bureaucratie, de l’élargissement à l’Est ou de la gestion de la crise des migrants. En France, une plus petite, mais néanmoins Matteo Renzi appelle à des élections anticipées, The Economist, 26 janvier 2017 considérable, majorité d’électeurs est en faveur de l’euro et de l’UE. Les sondages montrent que deux tiers des électeurs français sont contre une sortie de l’euro. L’Italie est le seul pays où le sentiment anti-UE et surtout anti-euro est largement répandu (Graphique 2). Mais, les électeurs italiens pourraient très bien renoncer à sortir de l’euro vu le chaos immédiat qu’entraînerait une telle décision.
Immigration
L’autre grand thème des élections en Europe est la manière de gérer la forte hausse de l’immigration des pays extra-communautaires. Selon les résultats d’une enquête de l’Eurobaromètre datant de Novembre 2016, l’immigration arrive en tête des questions perçues par les citoyens européens comme étant les plus grands défis de l’UE. L’immigration est aussi au coeur des campagnes électorales de l’extrême-droite, que ce soit Geert Wilders (PVV) aux Pays-Bas, Marine Le Pen (Front national) en France, Frauke Petry (AfD) en Allemagne ou Matteo Salvini (Ligue du Nord) en Italie. Les partis populistes d’extrême-droite ont aussi forcé les hommes politiques des partis de centre-droite à adopter une position plus critique sur l’immigration dans le but de ne pas aliéner les électeurs.
Les effets économiques de l’incertitude politique
La montée du populisme en Europe comporte de vrais risques. L’un d’entre eux est qu’elle menace le soutien politique pour la zone euro. Un autre est qu’une victoire populiste pourrait entraver les réformes. Le risque d’une lassitude politique est particulièrement élevé en France et en Italie, pays souffrant de faiblesses économiques structurelles. Ces risques se ressentent sur le moyen et long terme, mais peuvent avoir de fortes répercussions économiques.
Sur le court terme, les effets économiques d’une incertitude politique semblent être faibles, étant donné que l’économie de la zone euro est bien plus forte qu’il y a quelques années. Néanmoins, des indicateurs financiers prévisionnels tels que les écarts de rendement des emprunts publics peuvent fournir quelques indications quant à la manière dont les marchés financiers anticipent une victoire populiste. Les écarts de rendement des emprunts publics sont de 10 ans en France et en Italie (Graphique 3). Compte tenu de l'évolution des rendements, il semble y avoir un lien entre les mouvements des écarts de rendement en France et les élections à venir. L'écart souverain français a enregistré un pic en Février dernier, lorsque sont parues de nouvelles informations sur les accusations de détournement de fonds à l'encontre du candidat François Fillon. La situation est quelque peu différente de celle de l'Italie, où les rendements souverains ont connu une croissance progressive depuis mi-2016. L'augmentation des rendements italiens trouve son origine dans une combinaison de risque politique et de préoccupations plus générales concernant la baisse des performances économiques.
Les implications économiques d'une hausse des rendements en France ne devraient pas être trop importantes sur le court terme. Cependant, si cette hausse des rendements devait persister, elle se traduirait par une augmentation des coûts d'emprunt pour les entreprises et un affaiblissement de l'investissement sur le moyen terme. La pression sur les rendements français s'atténue légèrement à mesure que M. Macron voit ses chances d'être élu président augmenter. L'Italie semble être une tout autre affaire. Comparé à la mi-2016, les rendements sont plus élevés à présent de près d'un point de pourcentage. Selon les données de la Bank Lending Survey de la BCE, les demandes de crédits des entreprises en Italie diminuent depuis début 2016. Si la demande de prêts des ménages (crédit des consommateurs et autres crédits et prêts immobiliers) ne montre aucun signe d'affaiblissement pour l'heure, les rendements, eux, ont augmenté à un tel point qu'ils pourraient y avoir un impact aussi sur ces crédits dans les mois à venir.
En Allemagne, en France et aux Pays-Bas, l'Indicateur du Climat Économique (ICE) repart à la hausse depuis quelques mois. Il en va de même pour un indicateur distinct concernant la confiance des consommateurs. En Italie, les indicateurs de confiance enregistrent une légère remontée ces derniers mois, mais cela semble s'écarter d'une tendance à la baisse sur le long terme. Cette poussée dans les indicateurs de climat devrait encourager une progression des dépenses des consommateurs et des investissements à l'avenir, ce qui viendrait soutenir la croissance du PIB.
L'économie de la zone euro a bien surmonté l'incertitude politique, grâce à une combinaison de politiques monétaires accommodantes et une faible inflation qui stimule le pouvoir d'achat des consommateurs. La reprise économique est en bonne voie, avec une croissance du PIB de la zone euro depuis quinze semestres consécutifs. On note également une nette tendance à la hausse pour le PIB de tous les pays où se tiendront ces élections. Dans le même temps, la reprise de la zone euro continue de se faire à deux vitesses, avec des économies auparavant en difficulté telles que l'Italie, le Portugal et la Grèce toujours à la traîne. L'état précaire de l'économie italienne en fait une cible pour la fuite des capitaux, d'autant plus si l'incertitude politique s'accroît. L'euroscepticisme généralisé signifie que si on en arrivait à un référendum sur l'euro, un vote en faveur de la sortie n'est pas impossible. Cela fait de l'Italie le plus vulnérable des quatre pays européens ayant bientôt des élections. Toute information montrant que le parti eurosceptique M5S a plus de chances d'être élu pourrait conduire à une augmentation supplémentaire des rendements souverains, un report de l'investissement et un affaiblissement de la confiance des consommateurs et des entreprises.
Les partis populistes mettent en péril la stabilité politique
Les Pays-Bas, la France, l'Allemagne, et peut-être l'Italie, organisent des élections législatives cette année. Dans ces quatre pays, les partis populistes ont une chance de remporter les élections par rapport aux élections précédentes. Si nous ne croyons en l'élection d'aucun de ces partis à la tête de leur État, leur position anti-UE sera davantage entendue au sein des parlements nationaux. De plus, il est aussi probable qu'ils s'opposent à des réformes économiques plus fortement que les grands partis, ce qui est particulièrement inquiétant pour l'Italie et la France. À en croire les données économiques et financières, il est évident que l'Italie devra être surveillée de près. Tout signe d'une montée des partis populistes pourrait entraîner une hausse des rendements, une perte de confiance et un report des investissements commerciaux.