Zone Euro : resserrement des conditions de financement

L'actualité d'Atradius

La dernière étude de la BCE montre que de nombreuses entreprises risquent d'être confrontées à un accès réduit au financement dans les mois à venir, sans baisse des taux d'intérêt en vue.

 

Abacus in mono red

 

La Banque centrale européenne (BCE) a confirmé un "net resserrement des conditions de financement" dans sa dernière enquête semestrielle sur l'accès des entreprises au financement dans la zone euro.

Dans la dernière enquête de la BCE sur l'accès au financement des entreprises (SAFE), 87% des entreprises font état d'une hausse des taux d'intérêt bancaires. Il s'agit d'une dégradation de 16 points de pourcentage par rapport à l'enquête semestrielle précédente.

Selon l'indicateur global compilé par la banque centrale, qui saisit les variations des taux d'intérêt bancaires ainsi que d'autres coûts financiers tels que les frais, les honoraires et les commissions, la détérioration durable des conditions de financement affecte 47% des entreprises de la zone euro, soit le pourcentage le plus élevé depuis le début de l'enquête en 2009. La détérioration est plus prononcée en Espagne et en Italie que dans les autres pays.

Point positif, la BCE a constaté que l'impact de ce resserrement des conditions de financement est atténué dans une certaine mesure par "une augmentation continue du chiffre d'affaires".

Pour l'instant, la proportion d'entreprises financièrement vulnérables reste globalement inchangée : selon les calculs de la BCE, 5,8% des entreprises de la zone euro ont éprouvé de grandes difficultés à gérer leur activité et à rembourser leurs dettes au cours des six derniers mois.

Ces entreprises vulnérables doivent simultanément faire face à une diminution de leur chiffre d'affaires et à une baisse de leur productivité.

Les pourcentages nets d'entreprises ayant des difficultés à obtenir un financement bancaire restent également stables (5% des grandes entreprises et 9% des PME). Toutefois, pour les six prochains mois, les entreprises de la zone euro, en particulier en Allemagne, en Espagne et en France, s'attendent à une détérioration de la disponibilité des prêts bancaires et des lignes de crédit, qu'elles espèrent compenser par une amélioration de la disponibilité des fonds internes.

Qu'est-ce que cela signifie pour les entreprises ?

Nous prévoyons que l'inflation restera plus longtemps élevée et qu'elle ne se rapprochera de l'objectif que progressivement d’ici les deux prochaines années.

Malgré ces perspectives moroses, nous avons également constaté que les entreprises européennes sont optimistes quant à leurs attentes en matière de croissance. Dans notre récente enquête « Baromètre Atradius des Pratiques de Paiement 2023 », 63% des entreprises interrogées en Europe de l'Ouest sur les perspectives de croissance pour l'année à venir s'attendent à une forte amélioration de la demande. Ce chiffre est de 55% en Europe de l'Est.

Mais avec un accès réduit au financement, et l'augmentation des intérêts et des coûts de production des intrants, comment cette croissance est-elle financée ?

Nous avons constaté que les entreprises révisent leurs stratégies de financement et se tournent davantage vers le crédit commercial comme source de financement à court terme.  Par crédit commercial, nous entendons l'utilisation de durées de crédit plus longues pour encourager les ventes, et l'allongement de la période précédant le règlement des paiements dus, afin de combler les déficits de liquidités à court terme.

Notre enquête a révélé qu'au cours des 12 derniers mois, les entreprises ont été plus nombreuses à recourir au crédit commercial pour acheter des biens ou des services qu'à toute autre source de financement, et ce chiffre est en augmentation.

En Europe occidentale, 47% des entreprises interrogées ont eu recours au crédit commercial, contre 36% seulement qui ont contracté un prêt bancaire. En Europe de l'Est, les chiffres équivalents sont de 46% et 44%.

Quelle est la probabilité d'une vague de défauts de paiement ?

L'allongement des délais de paiement créé un équilibre difficile à trouver pour les entreprises.  Dans ces conditions, il est inévitable que certaines entreprises éprouvent des difficultés à payer leurs factures dans les mois à venir.

Le crédit commercial est un moyen pour les entreprises de libérer des liquidités à court terme, dans l'attente de bénéfices ultérieurs. En période de prospérité, il peut s'agir d'une solution judicieuse pour les acheteurs comme pour les vendeurs. Mais son utilisation croissante en période de turbulences économiques prolongées suggère que de plus en plus d'entreprises sont en difficulté et pourraient finir par avoir du mal à payer leurs factures.

Les clients étant de plus en plus sollicités sur le plan financier et adoptant l'approche "acheter maintenant, payer plus tard", les vendeurs sont fortement exposés à la possibilité de retards de paiement et de défauts de paiement. 

Dans ce contexte, les entreprises doivent être très attentives à l'évolution du risque de crédit commercial de leurs propres clients et se préparer en conséquence. Si la BCE a raison, l'accès des entreprises à des options de financement plus sûres et à plus long terme pourrait encore se réduire dans les mois à venir. La probabilité de retards de paiement et de défaillances ne fera qu'augmenter en conséquence.

Retarder les investissements : une tendance inquiétante pour les perspectives à moyen terme

Alors que l'accent est mis sur les solutions visant à combler les déficits de liquidités à court terme et que l'accès au financement est réduit, quelles sont les perspectives à moyen terme ?

"Lorsque les entreprises ont du mal à accéder aux financements traditionnels tels que les prêts bancaires, elles ont un certain nombre d'options", explique Dimitri Pelckmans, Responsable Risques pour la Belgique et le Luxembourg chez Atradius. "Elles peuvent suspendre leurs projets d'expansion ou d'investissement. Elles peuvent ralentir la production. Ces "solutions" permettent à l'entreprise de conserver ses liquidités, mais la rendent moins efficace et moins rentable à long terme".

Les entreprises sont confrontées à toute une série de défis : risques accrus en matière de cyber sécurité, transition vers l’énergie propre, pénurie de main-d'œuvre qualifiée, fluctuations importantes et inattendues des coûts de production des intrants, évolutions géopolitiques permanentes affectant les chaînes d'approvisionnement, concurrence accrue, réglementations de plus en plus strictes en matière de développement durable et conformité, pour n'en citer que quelques-uns.  Si elles ne parviennent pas à relever le défi à court terme, le fait de ne pas investir dès maintenant pour l'avenir ne fait qu'aggraver les difficultés à moyen et long terme.