Après une année difficile, on pourrait s’attendre à ce que les détaillants et leurs fournisseurs se réjouissent du répit temporaire offert par le Black Friday. La traditionnelle frénésie d’achats à prix réduits avant Noël tombe le 28 novembre cette année, bien que les ventes commencent généralement plusieurs jours, voire plusieurs semaines avant cette date. Le Cyber Monday, événement de remises en ligne qui a lieu trois jours plus tard, prolonge encore la saison des promotions.
Mais cette année, l’euphorie du Black Friday est plus discrète que d’ordinaire. Le faste des promotions des détaillants reste bien visible, mais en coulisses, les signes de tension sont évidents. Après une année marquée par les droits de douane et l’incertitude, certains fabricants voient le Black Friday moins comme une opportunité commerciale que comme un risque pour leur trésorerie.
La confiance des consommateurs est faible, tandis que les attentes en matière de bonnes affaires sont élevées. Les marges sont déjà extrêmement réduites. Dans ce contexte, le modèle du Black Friday volumes de ventes élevés et remises importantes ne garantit plus la rentabilité, surtout en aval de la chaîne d’approvisionnement. En réalité, il pourrait accentuer la pression sur un secteur déjà fragilisé.
Augmentation des défaillances, baisse de la confiance
Le Black Friday se déroule sous un climat économique incertain. Dans ses dernières prévisions d’insolvabilité, Atradius anticipe une croissance mondiale de 2,7 % en 2025 et de 2,5 % en 2026. Le chiffre pour l’année prochaine représente une révision à la baisse de 0,3 point par rapport à nos prévisions précédentes. Nous prévoyons une hausse des défaillances mondiales de 5 % cette année, avant un recul en 2026.
Bien que le commerce mondial ait fortement progressé jusqu’à présent en 2025, cette croissance s’explique surtout par les entreprises anticipant les droits de douane et l’incertitude. Les données indiquent également que les consommateurs américains commencent à perdre confiance dans l’économie.
“Le sentiment des consommateurs se dégrade, ceux-ci citant les hausses de prix liées aux droits de douane comme principale préoccupation », explique Dana Bodnar, économiste senior chez Atradius. « Depuis avril, lorsque la guerre commerciale s’est intensifiée, nous avons constaté des augmentations significatives des prix de certains produits importés. Les équipements audio ont augmenté de 14 % sur les six mois jusqu’en août, les robes de 8 % et les outils, quincaillerie et fournitures de 5 %.”
Le marché du travail américain semble également ralentir, ce qui rend les consommateurs encore plus nerveux. Les données officielles sur l’emploi n’ont pas été publiées depuis août en raison de la fermeture du gouvernement, mais à cette date, le rythme des embauches était en baisse. Les nouvelles demandes d’allocations chômage ont atteint leur niveau le plus élevé depuis quatre ans. Les licenciements massifs récents chez des entreprises comme Amazon et UPS suggèrent que le marché du travail continue de se détériorer, même si le taux de chômage reste faible par rapport aux standards historiques.
Le sentiment des consommateurs se dégrade, ceux-ci citant les hausses de prix liées aux droits de douane comme principale préoccupation.
La pression pour accorder des remises
Cela ne signifie pas pour autant que les consommateurs ne dépenseront pas pendant la période des remises. La croissance des salaires continue de dépasser l’inflation aux États-Unis et le marché boursier reste solide. Et contrairement aux États-Unis, la confiance des consommateurs dans l’UE atteint son plus haut niveau depuis huit mois. Mais cela veut dire que les acheteurs rechercheront de véritables bonnes affaires.
“Le Black Friday semble être passé d’une journée à une semaine, puis désormais à un mois de remises, même si certaines entreprises augmentent parfois leurs prix avant le Black Friday pour rendre les réductions plus attrayantes », explique Marjorie L. Weinberg, Analyste Crédit Senior, Atradius Amérique du nord.
“Sera-t-ce une bonne année ? La National Retail Federation prévoit que les ventes des fêtes de 2025 augmenteront par rapport à 2024, mais certains consommateurs affirment qu’ils comptent réduire leurs dépenses. Il est certain que les hausses de prix potentielles liées aux droits de douane incitent les consommateurs à être plus attentifs au rapport qualité-prix.”
Dans un environnement commercial extrêmement concurrentiel, les enseignes subissent une forte pression pour proposer une série de promotions Black Friday attractives. Parallèlement, l’OCDE indique que les droits de douane ont augmenté les coûts d’importation de 11 à 14 %, touchant particulièrement les secteurs orientés vers le consommateur, tels que l’électronique, l’habillement et les articles pour la maison.
Cette convergence a créé une sorte de tempête parfaite. Des coûts plus élevés associés à une tarification agressive ne sont pas viables. Il faut que quelque chose change.
Les hausses de prix potentielles liées aux droits de douane incitent les consommateurs à être davantage attentifs au rapport qualité-prix.
Le coût élevé des produits bon marché
La douleur se fera probablement sentir le plus fortement dans le secteur du commerce de détail indépendant. Partout dans le monde, le risque de crédit des détaillants de biens durables augmente, avec la majorité des défauts de paiement et des insolvabilités touchant les acteurs les plus petits. Cela est tout aussi vrai en France, en Allemagne et au Royaume-Uni qu’aux États-Unis.
Des coûts plus élevés d’un côté et des démarques plus fréquentes de l’autre poussent certains opérateurs à leur point de rupture. Les consommateurs recherchent des remises toute l’année. Les réductions massives attendues autour du Black Friday et du Cyber Monday ne feront qu’accroître la pression, jusqu’à des niveaux potentiellement intenables.
La pression pourrait être particulièrement forte sur les magasins traditionnels. Les grands acteurs omnicanaux seront mieux placés pour affronter la tempête, même si cela se fera parfois en répercutant la douleur sur leurs chaînes d’approvisionnement.
Dans certains cas, les fournisseurs devront absorber des pertes de marge. Dans d’autres, ils feront face à des retards de paiement et, en cas de défaillance, à des factures impayées. Cela se produit déjà. Notre baromètre annuel des pratiques de paiement révèle des risques accrus de retards de paiement, de créances irrécouvrables et d’insolvabilités dans toutes les régions et tous les marchés. Les démarques de la saison des fêtes, combinées aux hausses de coûts liées aux droits de douane, ne feront probablement qu’aggraver la situation.
À mesure que les acheteurs professionnels prennent plus de temps pour régler leurs factures, la pression sur la liquidité s’accroît dans l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Pour les grossistes qui financent les stocks plusieurs mois à l’avance, même un court retard peut immobiliser le fonds de roulement pendant tout un trimestre. Cela les contraint à combler des déficits de financement alors que les coûts d’emprunt continuent d’augmenter.

Black Friday : plus de problèmes que d'avantages ?
Le paradoxe, c’est que le risque de liquidité pourrait atteindre son sommet au moment même où les gros titres annonceront des records de dépenses des consommateurs. Le Black Friday 2025 pourrait être un succès retentissant en termes de ventes, tout en aggravant les problèmes de trésorerie des importateurs et des producteurs. Le véritable risque ne réside pas dans les chiffres de ventes des détaillants, mais dans les bilans de leurs fournisseurs.
"Les coûts augmentent en raison des droits de douane et des perturbations des chaînes d’approvisionnement, tandis que les attentes des consommateurs exercent une pression pour maintenir des prix bas, ce qui accroît le risque de paiement et expose les maillons les plus faibles de la chaîne", ajoute Bodnar.
Pour certains producteurs, ce cycle auto-entretenu pourrait ne pas valoir la peine. Les consommateurs retardent leurs achats en attendant les remises, les détaillants stockent davantage et les fournisseurs attendent plus longtemps pour être payés. Cela ressemble à un accident annoncé.
Certaines marques en tirent déjà cette conclusion. Le fabricant suisse de sacs recyclés FREITAG, la maison finlandaise de mode durable Globe Hope et l’enseigne néerlandaise d’articles pour la maison écologiques Dille & Kamille font partie des entreprises qui ont choisi de se retirer complètement du Black Friday, allant jusqu’à fermer leurs magasins pour la journée.
Bien que toutes ces marques invoquent des considérations éthiques et environnementales, se retirer de la culture des remises peut aussi être une manière de préserver la valeur et d’éviter une course vers le bas. À tout le moins, les producteurs de leurs chaînes d’approvisionnement éviteront la pression générée par quelques jours chaotiques de ventes massivement remisées.

Gérer les risques grâce à des informations d'alerte précoce
Certains producteurs n’ont d’autre choix que d’accepter les exigences de leurs clients pour maintenir le flux des commandes, avec les risques que cela comporte. Pour les fournisseurs et grossistes confrontés à la possibilité de retards de paiement, protéger la trésorerie est devenu essentiel.
Dans ce contexte, disposer d’informations fiables est crucial. Détecter tôt les signes de difficultés financières chez les acheteurs permet aux fournisseurs d’agir avant que les paiements ne vacillent. Des marges qui se réduisent, des commandes exceptionnellement importantes, des délais prolongés ou des comportements de commande irréguliers peuvent tous indiquer une pression sur la liquidité ou une instabilité financière. En réponse, les fournisseurs peuvent ajuster les conditions de crédit, diversifier leur exposition ou rechercher des acheteurs alternatifs.
L’assurance-crédit joue un rôle croissant dans ce contexte, offrant à la fois une protection et des informations d’alerte précoce. Elle ne se contente pas de sécuriser les créances : elle fournit également des analyses précieuses sur le risque des acheteurs, aidant ainsi les fournisseurs à prendre des décisions éclairées. L’assurance peut aussi faciliter l’accès au financement bancaire.
La fête a-t-elle été gâchée ?
Le Black Friday en vaut-il la peine ? Les consommateurs avisés trouveront toujours des bonnes affaires et les caisses des détaillants continueront de sonner. Mais pour les petites enseignes et les entreprises situées en aval de la chaîne d’approvisionnement, la saison des remises est une arme à double tranchant.
Après des mois de droits de douane et d’incertitudes politiques, la période prolongée de remises exercera une pression supplémentaire sur la liquidité. Après coup, les factures traîneront, la dette s’accumulera et les fournisseurs en supporteront le coût.
Dans ces conditions, le Black Friday n’est plus simplement une célébration de la consommation. Pour les chaînes d’approvisionnement du commerce de détail, c’est un test de résistance financière. Ceux qui considèrent la gestion des risques comme une véritable stratégie sont les mieux placés pour le réussir.
Pour découvrir comment renforcer votre stratégie de gestion du risque clients, contactez-nous et gardez une longueur d’avance !
- Le Black Friday 2025 pourrait établir des records de ventes, mais il constitue un véritable test de résistance en matière de liquidité pour les fournisseurs et les grossistes. Les droits de douane ont augmenté les coûts d’importation, tandis que les remises agressives poussent les marges à leur point de rupture. Les petits détaillants sont exposés au risque de défaillance le plus élevé, et les retards de paiement se répercutent en cascade sur les chaînes d’approvisionnement.
- Les données d’Atradius montrent une hausse des retards de paiement et des créances irrécouvrables, obligeant les entreprises à combler des déficits de financement alors que les coûts d’emprunt grimpent. Pour beaucoup, le succès apparent de la saison masque une exposition croissante au crédit et une pression sur la trésorerie.
- L’allongement de la période de remises accentue la fragilité financière des chaînes d’approvisionnement du commerce de détail. Les hausses de coûts liées aux tarifs douaniers et la demande de remises importantes créent une tempête parfaite : coûts plus élevés, prix plus bas et délais de paiement prolongés. Les grossistes qui financent les stocks plusieurs mois à l’avance subissent des chocs de liquidité lorsque les factures restent impayées.
- Atradius avertit que les taux de défaillance augmentent à l’échelle mondiale et que les comportements de paiement se détériorent. L’assurance-crédit et les outils d’alerte précoce sont essentiels pour atténuer les risques, alors que les entreprises naviguent dans un cycle de marges réduites et de créances retardées.
