Depuis 2015, de fortes incertitudes politiques et économiques minent les performances économiques de la Turquie, et ce davantage encore après la tentative de coup d’État de Juillet 2016.
En résumé
- Un climat commercial difficile en raison de grandes incertitudes politiques et économiques
- Détérioration du comportement de paiement dans la plupart des grands secteurs depuis 2015
- De nombreux secteurs continuent de rencontrer des difficultés en 2017
Les problèmes économiques s’accumulent
Depuis 2015, de fortes incertitudes politiques et économiques minent les performances économiques de la Turquie, et ce davantage encore après la tentative de coup d’État de Juillet 2016. La croissance économique a ralenti à 2,9% en 2016 (entre 2012 et 2015 la croissance annuelle du PIB s'élevait à 6,1% en moyenne). La consommation privée et la croissance des investissements ont diminué, tandis que le chômage a atteint 12,7% en Décembre 2016, soit son taux le plus élevé en sept ans. L'inflation n'a cessé de progresser depuis fin 2016, atteignant 11,3% en Mars 2017.
Afin de stimuler la demande nationale, le gouvernement a augmenté les dépenses fiscales et a pris des mesures visant à soutenir la croissance du crédit. Bien que ces décisions aient conduit à une certaine amélioration du climat et de l'activité commerciale, les perspectives économiques pour 2017 demeurent en demie teinte.
La livre turque a fortement été dépréciée au cours des six derniers mois, suite à la chute des investissements directs étrangers (moins 40%), des entrées de capitaux et des arrivées de touristes (moins 30%). Le déficit du compte courant devrait augmenter pour atteindre près de 5% en 2017. Bien que le taux de change semble s'être stabilisé ces derniers temps en raison de mesures de resserrement monétaire prises par la banque centrale, l'économie turque reste sujette à de nouvelles sorties de capitaux et à une volatilité de la devise.
Il est plus que probable que les troubles politiques perdurent après le référendum constitutionnel, compte tenu de la forte probabilité de la tenue d'élections parlementaires et présidentielles anticipées au second semestre de 2017, de la menace croissante des attaques terroristes et de la guerre en Syrie.
L'impact sur les performances des industries
La Turquie se trouvant dans une situation difficile, toutes ses grandes industries ont été touchées, à des degrés variables, par l'affaiblissement de la confiance des consommateurs, la baisse des investissements, la hausse du chômage et de l'inflation, l'accroissement de la volatilité de la devise et les prêts bancaires plus restrictifs (avec des périodes de financement plus courtes et des garanties supplémentaires exigées). Dans la plupart des grands secteurs, la tendance générale depuis 2015 va à la détérioration du comportement de paiement, avec un allongement du délai de paiement et une augmentation du nombre de retards de paiement, tandis que la valeur des créances impayées a, quant à elle, considérablement augmenté. Même constat pour les insolvabilités d’entreprises en Turquie. Dans le même temps, 80% des nouvelles entreprises font faillite dans les trois ans suivant leur création.
Cela dit, il faut souligner qu’il existe encore de nombreuses entreprises solides et résistantes dans les secteurs les plus durement touchés par la situation actuelle.
Automobile
En dépit d'une baisse des ventes intérieures de voitures en 2016 et début 2017, le secteur a tenu bon jusqu'à présent, soutenu par une demande accrue en Europe (l'automobile est le deuxième grand secteur d'exportations de la Turquie). La réduction des prix de l'acier et des métaux et l'affaiblissement de la livre turque ont aidé les fournisseurs et les constructeurs automobiles turcs tournés vers l'exportation. Les coûts élevés des importations pèsent toutefois lourd sur les entreprises qui dépendent fortement des importations de composants automobiles et de pièces détachées.
L'endettement et les engagements financiers des entreprises se situent dans la moyenne, sachant que, dans ce secteur, l'on recherche davantage un soutien des fournisseurs, plutôt qu'un financement bancaire. La durée de paiement dans le secteur automobile oscille habituellement entre 30 et 60 jours et le comportement de paiement est stable en règle générale. Cependant, les risques de change, la concurrence féroce, les taxes élevées et la pléthore d'entreprises sous-capitalisées présentent des risques de ralentissement.
Produits chimiques/pharmaceutiques
Comme le secteur des produits chimiques est majoritairement orienté vers le marché intérieur et dépendant des importations, les marges bénéficiaires des entreprises ont souffert de la volatilité accrue des taux de change au cours des douze derniers mois. La durée moyenne de paiement dans l'industrie turque des produits chimiques s'élève à 150 jours. Le sous-secteur du plastique, en particulier, a été confronté à de graves difficultés, dues à une capacité excédentaire, à une faible capitalisation et à une forte concurrence internationale. Dans ce segment, le nombre de retards de paiement et de cas d'insolvabilité a été élevé ces deux dernières années, avec de nombreux acteurs plus faibles financièrement quittant le marché.
Cela étant, le sous-secteur des produits pharmaceutiques reste performant et un grand nombre d'acteurs mondiaux sont entrés sur le marché turc, entraînant un accroissement de la concurrence pour les acteurs locaux. Les prix de vente des produits pharmaceutiques sont fixés par le gouvernement et la sécurité sociale turque comptabilise 90% des paiements, rendant le secteur extrêmement dépendant des dépenses publiques / questions budgétaires.
Construction
Le secteur turc de la construction souffre d'un ralentissement de l'activité, en particulier dans le segment de la construction résidentielle, qui est aux prises avec une baisse de la confiance des ménages et une offre excédentaire. Avec un trop grand nombre d'acteurs sur le marché, la concurrence est rude, donnant ainsi lieu à l'exercice de fortes pressions sur les marges des entreprises. Cela, ajouté à l'endettement élevé et aux liquidités insuffisantes de bon nombre d'entreprises de construction, a conduit à une augmentation des insolvabilités en 2016. La durée de paiement dans le secteur est de 120-180 jours en moyenne et l'expérience de paiement a été plutôt mauvaise ces deux dernières années. En raison de l'endettement élevé du secteur de la construction, beaucoup d'entreprises doivent fournir des garanties considérables au moment d'emprunter. L'on trouve, néanmoins, encore sur le marché des entreprises liées à des groupes ou sociétés solides qui n'ont pas de problèmes de liquidités.
Vente au détail de biens de consommation durables
Jusqu'en 2015, le secteur de la vente au détail en Turquie a largement profité d'une croissance économique robuste, d'une augmentation de la population et d'une hausse du pouvoir d'achat des ménages. Cependant, en 2016, la consommation privée s'est contractée de 0,7% et ne devrait augmenter que d'environ 2% en 2017, en raison de la hausse des prix des marchandises importées (dépréciation de la livre), de la hausse des taux d'intérêt et de la baisse de la confiance des consommateurs causée par une période d'incertitudes politiques et économiques profondes. Cela affecte directement les détaillants de biens de consommation durables / non alimentaires, qui se heurtent, de manière structurelle, à une faible rentabilité et à de maigres marges à cause d'une concurrence rude, combinée à un coût élevé des stocks. Le niveau d'endettement de nombreux détaillants est plutôt élevé, alors que les banques sont plus réticentes à l'idée d'accorder un crédit et que les taux d’intérêt demeurent élevés.
Les détaillants avec un endettement libellé en devises étrangères, en particulier, sont très exposés au risque de défaut dû à la volatilité actuelle des devises. Le ministre turc des Finances a, par conséquent, réduit des taxes à la consommation sur un certain nombre d'appareils électroménagers et a étendu la réduction du taux de TVA aux acquisitions de propriétés afin d'atténuer l'impact de la fluctuation du taux de change sur les détaillants. Toutefois, les retards de paiement et les insolvabilités ont augmenté dans ce segment, les détaillants vendant majoritairement des TIC importés, et donc plus coûteux, et les produits électroniques grand public étant confrontés à des risques supérieurs à la moyenne.
Machines
Les entreprises de machinerie dépendantes des exportations vers la Russie, l'Irak ou l'Azerbaïdjan, sont confrontées à certaines difficultés dues aux problèmes politiques et économiques que connaissent ces pays. Au niveau national, l'incertitude politique a conduit à une réduction des dépenses d'investissement, tandis que les taux d'intérêt élevés et la vulnérabilité de certains secteurs acquéreurs (le textile par exemple) ont eu un effet négatif sur l'industrie. La concurrence est vive sur le marché turc de la machinerie en raison d'une capacité excédentaire résultant en une guerre des prix. La dépendance aux prêts bancaires est forte en matière de financement. La volatilité des devises (entrées et sorties de devises étrangères) est une question majeure pour le secteur.
Cependant, la baisse du prix des produits de base, tels que les métaux, a permis de maintenir les marges bénéficiaires des entreprises de machinerie et, comparé à de nombreux marchés développés, le secteur de la machinerie en Turquie bénéficie encore de coûts de main-d’œuvre faibles. La durée de paiement dans le secteur machinerie / ingénierie se situe généralement entre 90 et 120 jours et le niveau de paiements prolongés est élevé.
Métaux
Le segment des métaux souffre de problèmes structurels majeurs, tels qu'une surcapacité et la concurrence féroce de la Chine, une forte dépendance aux prêts bancaires (plus restrictifs) et une exposition à la volatilité des devises. Les insolvabilités des entreprises et les retards de paiement ont fortement augmenté depuis deux ans, en raison de la détérioration des marges et de l'endettement élevé des entreprises.
Textiles
L'industrie textile turque affiche une détérioration constante depuis quelques années à cause d'une combinaison d'éléments : capacité excédentaire, absence d'une production de marque, faible capitalisation, baisse de la demande intérieure et d'exportation et concurrence rude de l'Asie. Bon nombre d'entreprises souffrent d'un endettement élevé et de liquidités insuffisantes, et les prêts bancaires douteux s'élèvent à environ 6%.
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