Export : quelle gestion du risque à l’heure de la crise

14/04/2021 Alors que la crise sanitaire a rebattu les cartes du commerce international, la gestion du risque client c’est, depuis un an, complexifiée.

A l’heure de la reprise, les entreprises vont devoir jongler entre la nécessité de relancer leur activité et l’augmentation du risque client qui, dans les mois qui viennent, pourraient se développer. Il leur faudra à cet effet mettre en œuvre des bonnes pratiques pour prévenir les impayés et limiter les délais de paiement, mais également financer la reprise de leur activité tout en préservant leur taux d’endettement ?

Dans un contexte économique international incertain, quels risques et opportunités se dégagent pour les entreprises ?

Christophe Pennellier, Directeur des ventes et du développement chez Atradius : L’appréciation du risque à l’export est à l’aune de tous les éléments évoqués sur la crise sanitaire. Elle dépend également de la façon donc chaque pays a géré la crise qui impacte différemment leurs capacités de rebond. L’approche risque de l’export nécessite donc une approche fine sur la situation de l’entreprise, de son secteur d’activité et de son pays, ainsi que de l’évolution de la situation sanitaire locale. Chez Atradius, nous suivons donc de près, le niveau de diffusion du virus, ainsi que la résilience des économies : certains pays ont pris des mesures assez fortes et ont aujourd’hui des capacités de rebond intéressantes, comme par exemple dans les pays d’Asie. Il convient également de regarder de près les politiques mises en œuvre par les pays pour soutenir l’économie et le matelas social, car tous n’ont pas eu les moyens de faire du « quoi qu’il en coûte ». Enfin, la cadence de vaccination sous-tend aujourd’hui le redémarrage de l’économie et de la consommation. Nous restons aussi attentifs aux variants du virus. Nous attendons également un redémarrage au niveau du commerce international en 2021 et 2022.

Comment les indicateurs de risques ont-ils évolué depuis la crise sanitaire ?

Christophe Pennellier : Aujourd’hui, nous cherchons plus des informations additionnelles pour compléter nos indicateurs de risque. Les entreprises entrées dans la crise avec des problématiques structurelles sont évidemment celles qui ont le plus souffert de la conjoncture. Dès lors qu’elles ont largement été portées par les soutiens de l’état, leurs perspectives restent fragiles et l’horizon de risque se rapproche avec la fin des aides gouvernementales. L’analyse des bilans 2020 sera faites en tenant compte d’éléments complémentaires. L’historique reste un indicateur important pour juger des capacités de l’entreprise à passer le cap. Néanmoins, il est indispensable au regard du contexte de se tourner vers l’avenir et de prendre également en considération des éléments extra-financiers. Notre approche est différente selon les secteurs d’activité. Par exemple, nous n’aurons pas les mêmes analyses pour des entreprises du secteur du textile, de l’évènementiel ou du tourisme qui souffrent encore de la crise, que pour celles par exemple, du secteur manufacturier qui, à l’inverse ont réussi à maintenir un certain niveau d’activité. D’autre part, la capacité à obtenir de la part de nos clients des expériences de paiements, notamment à l’export, est également un élément important pour estimer la solvabilité des entreprises. Nos implantations locales nous mettent en capacité d’aller chercher sur le marché de l’acheteur des informations sur la qualité de ses paiements. Enfin et surtout, nous multiplions les contacts directs avec les acheteurs afin de faire des points sur leur situation et leurs perspectives (trésorerie, carnet de commande, capacité à rebondir, à s’autofinancer),… Ces éléments remis en perspective avec l’analyse de la situation de l’entreprise sur les années passées, viennent compléter la vision des bilans 2020, que nous commençons à recevoir.

Quelle est la plus-value d’un assureur-crédit pour le recouvrement des créances dans un environnement international en crise ?

Christophe Pennellier : Le recouvrement de créances fait partie intégrante de l’accompagnement des assureurs crédits à l’export. Les entreprises voient bien l’attrait de l’export et les potentialités qu’il offre en termes de relai de croissance et d’ouverture à de nouveaux marchés. Cependant, ce qui inquiète le plus nos clients à l’export, c’est l’impayé et le recouvrement. Le coût du recouvrement à l’export est en effet bien plus élevé qu’en France. La difficulté tient également aux législations locales, en matière de gestion des impayés, de délais de paiement et de procédures de recouvrement. La démarche nécessite donc des relais sur place et une rapidité d’exécution pour avoir les meilleures chances de récupération et éviter tout impact sur la trésorerie. La rapidité d’intervention est un facteur clé de réussite du recouvrement de créances, notamment en s’appuyant sur les moyens et filiales locales des assureurs crédits.

Pour les exportateurs, les actions de recouvrement ont été d’autant plus difficiles à mettre en place pendant les périodes de confinement. Face à cette situation exceptionnelle, Atradius a assoupli ses conditions contractuelles et proposé des délais aménagés, afin de permettre à nos clients de recouvrir leurs créances tout en préservant au maximum leurs relations commerciales avec leurs débiteurs.

Notre rôle est d’accompagner les entreprises dans cette démarche de recouvrement qui, si elles agissent seules peuvent se trouver confrontées non seulement à des difficultés, mais aussi à des coûts induits importants. Or, le contrat d’assurance-crédit, au-delà de la prévention et de l’indemnisation, intègre également le recouvrement. Chez Atradius, nos actions sont concertées avec notre client et nous nous appuyons sur la connaissance du marché local et du débiteur dans son environnement pour définir les actions à mener.

L’export, une réelle opportunité de croissance, à condition d’être accompagné ?

Christophe Pennellier : Le commerce international est un levier de croissance avec des risques qu’il convient d’assurer pour un développement serein et maîtrisé. L’export, ce n’est pas que du risque, c’est aussi un projet d’entreprise enthousiasmant. Cependant, il faut être accompagné et l’assurance-crédit est le moyen le plus concret et solide pour partir à la conquête de nouveaux marchés. D’autant que l’exportation peut prendre plusieurs formes. Cela peut être aussi bien expédier des marchandises vers l’étranger fabriquées en France, que s’installer à l’étranger via une filiale, acquérir des sociétés étrangères ou nouer des partenariats locaux… A ce titre, il est important que l’assureur-crédit adapte ses produits à la stratégie export de l’entreprise, avec une offre aussi bien pour la PME qui exporte vers un pays tiers, que pour les grands groupes multinationaux avec de nombreuses filiales à l’étranger. L’affacturage peut également jouer un rôle dans cet accompagnement, notamment, dans certains pays, où les durées de paiement sont très longues et nécessitent, pour protéger sa trésorerie, de céder ses factures à un factor. Il peut se combiner avec l’assurance-crédit, le factor adossant son financement sur les garanties délivrées par l’assureur-crédit. Les entreprises peuvent aussi recourir dans leur développement à l’export, à des aides publiques et para publiques (Direction générale des douanes, Chambres de commerce internationales, BPI…). Comme toute crise, celle que nous traversons actuellement offre des opportunités notamment à l’international, mais il convient d’être bien accompagné !