La prévention du risque client s'impose

26/11/2021 Bien que la sinistralité des entreprises demeure historiquement basse encore cette année, les économistes prévoient un retournement de tendance en 2022.

Une augmentation des défaillances qu'il convient de surveiller d'autant plus près que la pression sur les trésoreries tend à s'accentuer, au regard notamment de la fin du « quoi qu'il en coûte », mais aussi des pénuries de matières premières, de l'augmentation des coûts ou encore des difficultés d'approvisionnement. La prévention et la maîtrise du risque client sont, dans ce contexte, indispensables.

Christophe Pennellier, directeur commercial d'Atradius : Le sujet qui nous inquiète le plus aujourd’hui c’est en effet l’inflation avec l’augmentation du coût des matières premières, de l’énergie ou encore celui du fret, multiplié par 7 en un an ! Cette explosion des prix va maintenant rapidement se répercuter sur les trésoreries et faire peser un risque sur les marges des entreprises qui, en France étaient déjà un enjeu important.

Nous suivons également les risques opérationnels et en particulier ceux sur les approvisionnements et leurs conséquences sur la rupture des chaînes logistiques. Le secteur de l’automobile est ainsi l’un de ceux qui retient le plus notre attention sur le sujet.

La pénurie de certains composants pourrait impacter les sous-traitants déjà très fragilisés par la crise sanitaire mais également les investissements à venir qu’ils devront consentir dans le cadre de la transition énergétique du secteur. De même, les problèmes de recrutement pourraient avoir un impact sur les entreprises.

A plus moyen terme, il faudra également suivre la capacité des entreprises à rembourser leur endettement et la possibilité éventuelle de restructurer les PGE, avec le soutien de l’Etat, pour les entreprises qui auront le plus de difficultés pour faire face aux échéances de cette dette. Il s’agit là d’un point validé par Bruxelles. Enfin, concernant les délais de paiements, les retards restent raisonnables, même s’ils s’allongent. Les pouvoirs publics ont néanmoins annoncé qu’ils allaient renforcer la pression sur les entreprises, afin qu’elles les respectent.

Eric Scherer, président de l'AFDCC : Les crédit managers redoutent d’une part, un dérapage des retards de paiement et, d’autre part, des explosions de faillites. Ils le redoutent davantage maintenant en raison de la fin des aides de l’Etat, du retour de l’inflation et avec peut-être, plus tard, une perspective de remontée des taux, des pénuries de toute nature qui pèsent sur les marges des entreprises...D’autre part, le besoin en fonds de roulement augmente avec la nécessité de reconstituer les stocks. Autant d’éléments qui pourraient consommer de la trésorerie rapidement.

Il y a aussi une évolution législative avec des procédures qui ont été instituées, telles que la procédure de traitement de sortie de crise (PTSC), procédure temporaire et dérogatoire, dont on attend encore le décret d’application. Son objectif consiste à conduire au tribunal, le plus rapidement possible, les très petites entreprises en difficulté afin d’essayer de trouver une solution si elles sont encore viables.

D’autre part, nous avons également la transposition depuis le 1er octobre de la directive européenne sur l’insolvabilité des entreprises, dont nous analysons à l’AFDCC les impacts sur les créanciers. A première vue, ces nouveaux dispositifs ne sont pas favorables aux créanciers. En termes de délais de paiement, nous sommes moins optimistes que les chiffres ne le disent actuellement. Nous notons une augmentation sensible en la matière notamment dans certains secteurs comme le bâtiment où les délais de paiement commencent à devenir très longs (largement plus que 11 jours de retard). D’ailleurs, la Banque de France s’en est émue et a créé une notation sur le comportement de paiement des entreprises. Face aux retards de paiement, les crédit managers ne doivent pas hésiter à faire facturer les pénalités de retards ou autres commissions ou frais (40 euros) et refuser d’honorer de nouvelles commandes tant que les précédentes ne sont pas payées.

Des défaillances d'entreprise attendues à la hausse

Christophe Pennellier : Il convient de rester extrêmement prudent sur les prévisions de défaillances. Certes, nous sommes sur un retour à la normale, mais de façon très progressive. En 2022, nous avons fait une prévision d’une remontée des défaillances d’environ 20 °/o en France et 30 °/o dans le monde par rapport à 2021.

Comment prévenir le risque

Christophe Pennellier : l’enjeu pour les crédit managers aujourd’hui consiste à avoir des données plus prospectives et dynamiques et non plus uniquement des éléments du passé ou des éléments bilanciels. Cela passe par la collecte d’un maximum d’informations sur la capacité des clients à faire face à ses échéances. Il faut mettre en place une surveillance accrue des règlements et avoir une très grande réactivité dès lors que les paiements commencent à avoir des retards. Il convient alors de commencer par privilégier les démarches amiables. La qualité de l’information et notamment de l’information prospective est également importante. Les crédit managers doivent essayer d’avoir une visibilité sur le carnet de commandes de leurs clients, leur situation de cash et de trésorerie, les dispositifs d’aides sollicités...

Ils peuvent également s’appuyer sur un certain nombre d’outils comme les conditions générales de vente, la clause de réserve de propriété pour accélérer les règlements ou récupérer une partie de sa marchandise, les cautions, les nantissements...Ces derniers sont néanmoins lourds et coûteux à mettre en place et le résultat final n’est pas toujours à la hauteur des attentes de l’entreprise.

Nous constatons par ailleurs que, de plus en plus, les équipes commerciales sont davantage impliquées dans le suivi des règlements des clients, voire même intéressées sur l’encaissement client. Il y a donc de moins en moins cette dichotomie très forte entre les équipes commerciales et le crédit management. En interne, les crédit managers doivent être équipés d’outils qui permettent de stopper très rapidement toutes les livraisons, dès lors qu’ils constatent des retards de paiement ou des difficultés de dialogues avec les entreprises qui règlent tardivement.

L’assurance-crédit, enfin, reste le partenaire idéal du crédit manager, car elle lui permet de protéger sa marge, via l’indemnisation en cas d’impayé. Il s’agit d’une solution complémentaire à tous les outils et processus mis en œuvre par le crédit manager et qui lui donne un accès en ligne à une information actualisée pour ses prises de décisions.

Eric Scherer : Les Français qui travaillent à l’export ont tout intérêt à s’appuyer sur les prestations des assureurs-crédits en termes de garanties bien sûr, mais aussi sur leurs informations par pays et leurs informations sectorielles, pour juger de la solvabilité sur les entreprises. Nous pouvons souhaiter d’ailleurs que dans ce domaine ce ne soient pas uniquement les grandes entreprises qui y ont accès mais également les PME, voire même les TPE.

Certes, il y a la question des coûts. Ce serait d’ailleurs une bonne chose que les assureurs-crédits proposent à ces petites entreprises des tarifs réduits. Avec l’assureur-crédit, il est également possible d’envisager un partenariat avec l’assurance type « excess», qui permet de partager le risque entre l’entreprise qui prend son risque en qualité d’entrepreneur et l’assureur-crédit qui prend le relais en cas de sinistre très important, au-delà d’une certaine« franchise».

Un dispositif peu utilisé mais qui, en période de reprise, paraît être une bonne solution pour développer le chiffre d’affaires. Parmi les autres dispositifs de prévention du risque, les entreprises doivent s’appuyer sur les CGV. Il convient de les réviser régulièrement, notamment sur l’aspect de la limite de crédit : il faut se réserver la possibilité de limiter ses encours si la santé financière d’un client venait à se dégrader. Il faut identifier au plus tôt les dérapages de paiements, s’il s’agit de client récidiviste en la matière ou pas...

C’est pourquoi, il est nécessaire d’historiser ses relations clients pour gérer le risque au plus près et être très réactifs en cas de problèmes. En effet, un certain nombre de garanties ne sont plus aussi efficaces (comme les cautions personnelles ou nantissement sur FDC). Outre la clause de réserve de propriété bien entendu, nous préconisons la caution bancaire à première demande: avec la limitation des encours, elles restent le meilleur moyen de couvrir son risque.

Par ailleurs, pour mieux analyser le risque dans cette période compliquée, les comptes à fin 2020 étant maintenant connus (pour ceux qui ont été publiés), ils nous permettent de savoir dans quelle situation financière se trouvaient les entreprises et comment elles ont traversé l’année de crise. Aujourd’hui, la question est de savoir comment s’est passé leur premier semestre2021 et comment elles envisagent le second semestre, voire l’année 2022. Nous leur demandons notamment des prévisions d’activité, de chiffre d’affaires, de résultats, quel est l’état de leur trésorerie, si elles ont bénéficié d’un PGE, si elles l’ont consommé ou remboursé (en totalité ou partiellement), etc. On ne peut se passer d’aller chercher ces informations directement auprès des entreprises.

Comment accompagner les entreprises

Christophe Pennellier : L’auto-assurance est notre principal concurrent. Mais cette dernière comporte des risques car l’entreprise n’a alors pas le bénéfice de la couverture et du recouvrement.

L’assurance-crédit recouvre en effet la prévention, l’accompagnement et le conseil aux entreprises pour le suivi de leur risque client et la sélection de nouveaux clients, notamment au travers d’outils de rating. Ce sont des outils dynamiques qui permettent de suivre de près le risque client. Ensuite, le recouvrement de créances, qui peut s’avérer coûteux notamment lorsque la démarche est réalisée à l’international, est également inclus dans les contrats d’assurance-crédit y compris à l’export. Enfin, l’assurance-crédit permet de mobiliser plus facilement son poste clients et facilite l’accès aux solutions de financement court terme comme l’affacturage.

Eric Scherer : Il faut cependant se rappeler que nous n’avons pas résolu en France le problème de l’insuffisance des capitaux propres. Les entreprises ont pallié une carence de chiffre d’affaires grâce au PGE (qui est aussi une dette) et d’autres aides (subventions, chômage partiel, remises de dettes).

Cette question va se poser avec d’autant plus d’acuité que les entreprises ont besoin d’investir, dans cette phase de croissance, également pour faire face aux défis climatiques et aux défis de transition numériques, etc. Il faudra donc suivre de près la capacité d’autofinancement de ces entreprises. Il s’agit pour le coup d’un problème de haut de bilan et de renforcement des capitaux propres.

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