L’assurance-crédit se projette sans son filet de sûreté

04/06/2021 Extraits de l’Article paru dans l’Agefi le 3 juin 2021

Le dispositif « Cap » de soutien public arrive à échéance fin juin ? Mais peut-on déjà s’en passer ?

Le bien nommé complément d’assurance–crédit public(Cap) déployé au printemps dernier a « permis d’éviter une crise de confiance généralisée sur le vital crédit interentreprises», fait-on valoir à Bercy. Mais le moment n’est peut-être pas encore venu de baisser la garde. Le dispositif est pour l’heure sur les rails jusqu’au 30 juin. Et après?

Coup d’œil dans le rétroviseur, printemps 2020. Les assureurs-crédit « ont craint une vague historique de défauts», rappelle Philippe Puigventos, président du courtier Diot Crédit. Tsunami qu’ils s’alarment de ne pouvoir contenir seuls: la puissance publique est appelée à la rescousse. Les mécanismes Cap et Cap+ hérités de 2008 sont réactivés en avril, l’Etat palliant respectivement la frilosité partielle ou totale de l’assureur « ligne à ligne» vis-à-vis d’un acheteur. Ils sont complétés en juin par Cap Relais, module de réassurance par lequel privé et public se partagent le risque par assuré. Mais l’Etat se démenant tous azimuts, prêt garanti par l’Etat (PGE) en tête, le tsunami ne s’est pas matérialisé. Au 1 er janvier, le dispositif est prolongé, avec côté Cap/Cap+ divers ajustements dont des tarifs à la baisse, et côté Cap Relais un retrait relatif de l’Etat dont la part de prise de risque passe de 75 % à 20 %.

REBOND

Alors que les pourparlers quant à l’après-30 juin sont engagés avec Bercy, l’humeur générale est à l’arrêt de Cap Relais. Atradius partage cet avis et juge qu’il n’est pas nécessaire de prolonger le dispositif, la France entrant désormais dans une période de reprise économique et s’était même distingué en quittant la barque Cap Relais dès le 1er janvier, «sans encombre pour nos clients, nous avons réussi un atterrissage en douceur, en conservant un haut niveau de couverture», selon Christophe Cherry, Directeur général France. « Le nom de Cap Relais indique qu’il doit en toute logique agir lors du choc de la crise, pour ensuite céder toute la place en phase de relance à Cap/Cap+», indique-t-on à Bercy. Ces derniers devraient donc être maintenus, inchangés. Le syndicat des courtiers d’assurance Planète CSCA en juge l’arrêt « prématuré » car il s’agit de préserver « la relance de l’activité et le retour de la confiance entre les agents économiques». Prolongations par prudence car, pour Stefano Badalacchi, chargé de clientèle chez le courtier Gras Savoye, «le PGE a anesthésié la sinistralité, nous vivons sous la menace d’une potentielle bombe à retardement».

Les assureurs jouent le jeu du rebond. Leurs engagements de couverture « sont tenus, les pouvoirs publics y veillent scrupuleusement par le biais de ‘reportings’ hebdomadaires et d’audits», note-t-on à Bercy. «Après avoir été souvent brutaux, les assureurs ont aujourd’hui davantage le souci d’accompagner les assurés : la reprise des garanties est encore prudente mais réelle», reconnaît Stefano Badalacchi. Christophe Cherry pour Atradius précise, «les assureurs privés ne sont pas l’Etat. Au jour de l’arrêt du dispositif, nous ne pouvons garantir pouvoir reprendre la totalité de l’encours à conditions inchangées. Nous proposerons des solutions à nos clients pour continuer à les accompagner, mais nous devrons calibrer notre risque, d’autant plus pour des acheteurs concernés ici par nature fragiles». L’heure tourne. Le gouvernement tranchera sur la foi des négociations entre assureurs et Trésor avant, le cas échéant, de présenter à la Commission européenne, au titre du second semestre, une demande d’aide d’Etat «juste et proportionnée» comme il se doit.